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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Legend : la féérie selon Ridley Scott

[critique] Legend : la féérie selon Ridley Scott

Lili est une jeune princesse innocente, qui n’a d’yeux que pour Jack, un garçon vivant dans la forêt et en connaissant tous les secrets. Enfreignant les lois naturelles, il lui permettra même d’apercevoir les licornes, ces êtres légendaires sur lesquelles repose l’ordre universel. Il ne pourra empêcher le rapt de Lili par les sbires de Darkness, dont le but est de plonger le monde dans les ténèbres en supprimant les licornes, que seul un être pur peut approcher. Conscient de sa faute, il n’aura de cesse de la récupérer…

Après l'avoir apprécié dans ma jeunesse au cinéma, j’ai eu l’occasion de visionner le director’s cut en VOST DTS, en DVD puis, plus récemment, en blu-ray.

 

C’est un film que j’avais aimé lors de sa sortie, une époque riche en films d'heroic fantasy. De l’eau a coulé dans les ruisseaux enchantés depuis, mes souvenirs se sont un peu envolés, ce qui fait que la comparaison avec la version ciné est difficile (il me faudrait aussi la revoir). Bien sûr, la partition de Tangerine Dream, que j’appréciais, a disparu au profit de morceaux orchestraux finalement fort bien intégrés, qui viennent plutôt adoucir l’aspect radical de la vision de Scott. Je dirais surtout que je n’ai pas eu l’impression que ce soit bien plus long, j’ai retrouvé ce même sentiment de fascination-répulsion, la distance en plus. Je pense que les scènes allongées se situent surtout lors de l’entreprise de séduction de Lili par le Démon : j’ai l’impression qu’elle dure nettement plus longtemps. Dans cette séquence, les enfants spectateurs, qui attendent l’action, sont surpris et perdent le fil. Les dialogues sont pourtant savoureux et redonnent une intensité au film qui se délitait à mesure que la quête de Jack et ses amis s’embourbait. En revanche, la solution finale apparaît presque dérisoire - comme si, après tout, elle n’avait plus d’importance.

Le boîtier du DVD Ultimate zone 1, très design avec sa jaquette transparente à rabat (mais sensible aux traces de doigts) contient la version ciné d’1h30, sur une musique de Tangerine Dream et le director’s cut, inclus dans un autre DVD, plus long avec la partition originale de Jerry Goldsmith (originellement réservée au public européen).

 

Le son est excellent et dynamique, très enveloppant : les « cris de baleine » accompagnant les hennissements des licornes semblent provenir de partout et nulle part. Mais le métrage est assez avare en surrounds, cela dit. Les dialogues sont très légèrement en retrait, mais c’est peut-être une question de réglage ou de matériel : les voix des Goblins ne sont pas toujours très intelligibles. L’accent semble porté sur la musique, splendide et parfois déroutante : c’est du Jerry Goldsmith pur jus, reconnaissable entre tous avec ses mélodies simples remarquablement orchestrées et l’introduction d’effets sonores électroniques pour ponctuer les apparitions maléfiques. On navigue dans une ambiance musicale entre Poltergeist et Blade Runner.

Les images, quant à elles, sont bluffantes, d’une richesse et d’une netteté inouïes pour un film de cette époque (1985). Les premières vues de la princesse gambadant à la lisière d’une forêt de conte de fées sont éblouissantes, dans tous les sens du terme, d’autant que l’intro se déroulait dans la pénombre. Elles contribuent toutefois au léger malaise qui survient au visionnage : on a l’impression d’une saturation permanente, non pas des couleurs, qui ne sont jamais criardes (même avec la palette étendue du blu-ray), mais des détails. Des plans entiers semblent composés comme pour une photo de studio et l’écran dans son ensemble fourmille d’éléments de décor. La forêt par exemple est typique de l’attitude de Ridley Scott qui multiplie les plans d’ensemble où pluies de pétales, oiseaux voletants, branches torses et fleurs éclatantes parsèment le champ de vision. La mort de la première licorne aurait ainsi tout aussi bien pu être une publicité pour un parfum quelconque, tant la recherche esthétique prédomine.

 

darkness-legend.jpgC’en est presque lassant, d’autant que, pour un film ouvertement inspiré des contes traditionnels, le héros (Tom Cruise, étonnant) n’accomplit pas d’exploit surhumain ; tout au plus virevolte-t-il et produit-il quelques pirouettes qui donnent un peu d’allant à un ensemble somme toute statique et théâtral. Blix déclame des vers malsains et le Seigneur des Ténèbres (stupéfiant Tim Curry à la voix envoûtante, fort bien doublé en outre pour ceux qui préfèrent la VF) semble tout droit sorti d’un drame de Shakespeare. Ce qui augmente davantage le décalage : on est, bien entendu, dans de la fantasy pure et dure (de l’aveu même de Scott, il désirait faire un film de sword & sorcery afin de pouvoir dire qu’il a abordé tous les genres de l’imaginaire après Alienles Duellistes et Blade Runner – presque aussi ambitieux que Kubrick, tous les mêmes ces British !) à la fois proche par le genre et très éloignée par son traitement de Willow ou Labyrinth, œuvres contemporaines. Déjà, les enfants n’y trouveront pas leur compte : si la Princesse et Jack sont présentés comme des êtres purs (trop innocents pour être honnêtes), les représentations de la noirceur sont exagérées, avec des Goblins d’une laideur incroyable où l’on reconnaît la patte de Rob Bottin (qui s’est un peu loupé avec la sorcière aux ongles mous toutefois) ; quant au Fils de la Nuit, il est resplendissant, à la frontière entre le grotesque et le délicieusement pervers.

 

Au final, un spectacle graphique de très haute tenue, même si certains passages tentent de nous persuader qu’il y avait de la matière plus consistante (et une seconde lecture, plus adulte).

 

 

legend-ultimate.jpg

Titre original

Legend

Réalisation 

Ridley Scott

Date de sortie

28 août 1985 avec Universal

Scénario 

William Hjortsberg

Distribution 

Tom Cruise, Mia Sara & Tim Curry

Photographie

Alex Thomson

Musique

Jerry Goldsmith & Tangerine Dream

Support & durée

DVD Ultimate edition Universal (2002) zone 1 / 98 min

 

 

Synopsis : Lili, jeune et jolie princesse, est convoitée à la fois par Jack, jeune homme proche de la nature, et par Darkness, véritable incarnation du mal, qui ne rêve que de plonger le monde dans une nuit éternelle en tuant les deux licornes protectrices. Avec l'aide du lutin Gump et de ses acolytes Screwball et Tom Brown, Jack se lance dans une quête désespérée pour mettre fin aux agissements du démon et empêcher la transformation de Lili en créature perverse.

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P
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
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V
Ouh là, tu regardes encore des VHS ? Remarque, il y a encore bien des films qui n'existent pas encore dans tous les supports...
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J
Wow, que de souvenirs ! tu me donnes également envie de le redécouvrir tiens ! j'ai encore la vhs d'époque, une séance s'impose !
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V
En parlant de métro, j'étais à Paris ce week-end (une ville que je vénère) et j'ai pu goûter aux joies ineffables procurées par un métro très convivial que celui de la ligne 14 (celle de Bercy). Mais bon, c'était pour l'anecdote...
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C
Hum me voilà bien avancée. Bon, j'ai plus qu'à "faire comprendre" que ça ferait un chouette cadeau quoi ? matt, drey, mes amis, collègues, parents, inconnus du métro et du web, si vous me lisez... ;-)
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V
Je ne sais pas. J'en avais gardé un bon souvenir visuel mais une histoire qui manquait de ce côté palpitant qu'on adore dans les grandes quêtes. La vision du director's cut, plus longue surtout dans ces moments de dialogue entre le démon et la princesse, confirme mes impressions résiduelles : une féérie totale (le traitement de l'image est à tomber), le merveilleux poussé à son paroxysme, mais au détriment de l'aventure, de la quête en elle-même. C'est loin du film pour la famille, parfois même un peu trop cérébral. Mais ça reste très positif, d'une part parce que c'est une des meilleures transcriptions de fantasy au cinéma, ensuite parce que l'ensemble image/musique est absolument hallucinante. Ca manque de ressenti simplement, il y a un côté tellement méticuleux, élaboré, que ça en devient froid. Sur ce plan, un film comme Willow est beaucoup plus jouissif, malgré une fin en demi-teintes.Si jamais tu craques, privilégie cette édition qui est fantastique (bon c'est vrai que je l'ai eue en cadeau, Twin, si tu me lis...).
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C
C'est le tout premier film que j'ai vu ai cinéma - j'étais fort jeune et certainement très impressionnable - en tout cas il m'avait laissé un souvenir très fort. Du coup, à te lire, je me dis que je ne gagnerais rien à le revoir ?
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H
je l'ai vu mais la version avec la musique de tangerine dream que j'adorais. Pas très convaicu par l'actrice, mais tom cruise est très bon
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V
Vieux peut-être, mais tellement bon ! C'est loin d'être parfait dans le genre (la partie "quête" est nettement bâclée et le director's cut est plutôt bavard) mais c'est tellement beau que c'en est devenu un classique.
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N
Houla, vieux ça ! Voilà qui me donne envie d'y jeter un oeil de nouveau tiens. Je trouve que le look du Seigneur des Ténèbres en jette toujours autant aujourd'hui, mais bon, d'un autre côté, le Mal étant éternel, ses serviteurs ne risquent guère d'être embarrassés par les effets de mode. ;o) 
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