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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Evil Dead : maudit bois !

Evil Dead a marqué la naissance d’un certain cinéma de genre, assez gore, parsemé d'un « ton » particulier, avec une idée de mise en scène à la seconde et la création d'un personnage culte : Ash, joué par ce fabuleux acteur bis qu’est Bruce Campbell.

Evil Dead 05

Il est important de se souvenir en quoi, à l’époque, Evil Dead peut faire office de petit grain de sable au sein du cinéma contemporain. Le projet se distingue en premier lieu des nombreuses productions d’horreur à tendance gore et érotique des années 70, principalement issues du cinéma italien qui, hors Fulci, Bava ou Argento, se limiteront bien souvent à du bis graphique et du Z grandguignolesque.

Evil Dead recueille les fruits de l’humilité de ses ambitions. La conception de l’œuvre est devenue presque légendaire—si vous ne la connaissez pas, les bonus du DVD y reviennent en long et en large—et la débrouillardise de Sam Raimi et de son équipe inspire encore aujourd’hui de nombreux jeunes réalisateurs qui veulent percer dans le cinoche de genre : à partir d’un court métrage, Within the woods, réalisé entre potes, Sam Raimi, Robert Tapert et Bruce Campbell ont démarché médecins et avocats pour aligner un budget de long métrage, ridicule, en leur offrant tous les droits et toutes les éventuelles recettes présentes et à venir. Le contrat est juteux et permet à Raimi de tourner le film qu’il souhaite, avec une latitude extrême et le soutien de ses ami(e)s et collègues acteurs et techniciens.

Evil Dead 02

L’histoire est réduite à sa plus simple expression : une bande de cinq potes, deux couples et une jeune femme, va passer un week-end en forêt dans un chalet. Ils découvrent à la cave un inquiétant enregistrement qui réveille l’esprit de Kandar, démon enfermé dans ces bois, et qui se fera une joie de les posséder un à un et de les changer en morts vivants.

C’est l’occasion pour Raimi, jeune surdoué pas encore reconnu, de créer, dans une ambiance totalement détendue, et d’expérimenter. A l’occasion d’Evil Dead, il invente la « shaky-cam », utilise la caméra subjective pour personnifier l’esprit de la forêt le long de mouvements d’appareil planants et ahurissants, accroche la caméra à sa moto pour créer des vues menaçantes et hyper dynamiques, construit une tension palpable et une ambiance poisseuse qui culminent via des images sombres, contrastées et colorées, outrées et décadrées, grossières et hyper zoomées, sur fond de massacres tellement gores que leur caractère dégueulasse dépasse la seule notion d’écœurement pour devenir une aventure très fun et, surtout, monstrueusement originale dans son surréalisme, définitive et cinématographiquement inventive.

Il n’y a qu’à voir ces champs où Bruce Campbell/Ash, les yeux exorbités par la peur, est surplombé de l’horloge, ce plan inouï où la caméra, à l’envers, parcourt tout le personnage sur son axe vertical et se repositionne sur son visage. Ou encore ce travail phénoménal sur le son qui explose par l’une des plus grandes idées cinématographiques contemporaines (et qui aura une importance considérables sur les productions à venir !), où la caméra, effrénée, entame un travelling latéral avec point de vue depuis le plafond vers le sol—Ash étant vu en plongée extrême—créant un bruitage purement cinématographique (qui ne peut donc pas exister dans le cadre de l’action et aux oreilles des personnages : c’est un son purement spectatoriel) à chaque passage à proximité d’une poutre…

Le film n’est pourtant pas parfait et pas totalement abouti (les trouvailles visuelles et d’appareil ont du mal à cacher tout un aspect narratif foireux qui ne dépasse pas le chips/bières entre ados), mais il transpire une certaine sincérité dans sa démarche, annonciatrice d’imposantes ambitions de mise en scène, et qui se révéleront par la suite dans la carrière de Sam Raimi.

 Evil Dead 03

Tourné à l’origine en format 16 mm plein cadre 1.33:1 (boosté en 35 mm lors du tirage),Evil Dead est présenté dans une copie neuve nettoyée et recadrée en 1.78:1 sous la supervision de Sam Raimi, pour correspondre à la diagonale des toiles de cinéma panoramiques ainsi qu’à la dalle de votre téléviseur 16/9.

L’argument du 16/9 aurait pu créer un désastre au niveau des cadres, mais il faut bien reconnaître que, à quelques exceptions près (il est perceptible dans certains plans qu’il manque de l’information dans l’image, surtout si on se souvient du film dans sa présentation initiale !), les choix de recadrages opérés par Raimi sont très satisfaisants et plutôt pertinents, et confèrent à l’œuvre une dimension et une ouverture dans l’espace inédites.

Le 16 mm impose une définition passable, des couleurs baveuses et un grain extrême. Si l’on garde cette contrainte en tête, la copie se révèle très correcte et la restauration est même assez réussie, son côté « abîmé » permettant de conserver un certain cachet à l’œuvre.

 

La VO DTSne peut pas promettre de miracles, mais elle assure dans sa propre catégorie : les dialogues sont très clairs, la bande son est propre, dynamique, ouverte et étonnamment généreuse en basses. Par contre, la spatialisation est inexistante—ou presque. La VO DD 5.1 se situe un cran en dessous, et la VO 2.0 ressuscite avec satisfaction la piste mono d’origine (sur deux pistes).

La version française, d’époque, assez sympathique et surtout riche en voix de doublage connues dans les années 80, souffre d’un manque global d’intelligibilité dans son mixage 5.1. Parfois, on ne comprend même absolument rien du tout de ce qui est dit et la dynamique de la piste est très décevante par rapport à sa voisine en VO. Préférez à la rigueur la VF 2.0, pas géniale non plus, mais un poil plus intègre.

A noter qu’aucun sous-titre n’est disponible sur les VO mais les dialogues sont peu nombreux et très faciles à comprendre.

 Evil Dead 04

Le contenu éditorial est très riche et passionnant, mais malheureusement non sous-titré.

Commentaire audio complet et informatif de Sam Raimi et Robert Tapert, mais un peu longuet et ennuyeux. Commentaire audio de Bruce Campbell (avec courte introduction vidéo), qui vaut son pesant d’or ! Le nombre de blagues irrésistibles à l’humour froid couplé à une masse d’informations et d’anecdotes sur le projet en font l’une des rares réussites de cet exercice.

Documentaire « Fanalysis » (26’), exclusif à cette édition DVD, réalisé par Bruce Campbell. L’acteur se met en scène à la recherche d’une théorie évolutive sur la notion de fan extrême. Effroyablement drôle, tendre et ironique, mis en images avec inspiration, ce n’est rien de moins qu’un petit bijou de réalisation et d’écriture.

« Discovering Evil Dead » (13’) raconte le succès immédiat d’un film qui n’aura au départ pas été distribué au cinéma et qui se sera fait connaître par les petits festivals « déviants » et le marché naissant de la VHS. Un témoignage précieux et éclairé.

Prises de vues directes du tournage, mariées à des plans coupés, sans montage quelconque. Un peu long mais pertinent pour décrire l’atmosphère de cette production.

Bonus caché (mettez en surbrillance le squelette de gauche dans la deuxième page des bonus) : discussion entre Robert Tapert et le casting féminin d’Evil Dead à l’occasion d’une projection récente du film, où Evil Dead 4 est remis sur le tapis.

Bandes annonces, spots TV, affiches et (nombreuses) photos de tournage et de production.

 

L’édition « Book of the Dead » est sans doute le support de référence d’Evil Dead. Le DVD est présenté dans un judicieux écrin en caoutchouc qui reproduit le Livre des Morts. La qualité de sculpture du visage et des formes est simplement étonnante ! L’intérieur est composé de copies des pages écrites en lettres de sang de l’ouvrage, signées par le designer original de l’objet. Un passionnant et imposant livret accompagne le tout et revient principalement sur l’histoire de l’édition d’Evil Dead sur les différents supports (VHS, LD, DVD). Affolant de voir à quel point le film a nourri le marché de la réédition…

 

Ma note (sur 5) :

3


 Evil Dead 01

Titre original

The Evil Dead 

Mise en scène 

Sam Raimi 

Date de sortie France 

24 août 1983

Scénario 

Sam Raimi

Distribution 

Bruce Campbell & Ellen Sandweiss

Durée 

80 minutes

Musique

Joseph LoDuca

Photographie

Tim Philo

Support 

DVD Anchor Bay zone All (édition US “Book of the Dead”) ; 1.78:1

Son 

VO DTS 5.1

 

Synopsis : Un groupe d’amis parti en forêt découvre dans la cave de leur vieux chalet un magnétophone ainsi qu’un étrange livre ancien aux illustrations inquiétantes. Ils vont sans le savoir réveiller un esprit démoniaque…

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V
N'hésite pas : que tu aimes ou pas, tu auras au moins découvert la genèse de ce réalisateur culte.
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C
S'il n'y avait eu que l'histoire, j'aurais peut-être passé mon chemin. Mais le détail des plans m'a vraiment intéressée. Je pense que je vais finalement essayer de découvrir ce classique (je pense que l'on peut raisonnablement lui octroyer ce titre, non?). Merci pour la critique très détaillée!
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T
Ce sera encore meilleur avec le 2e opus, mais il est vrai que ce film est par bien des aspects un monument du genre.
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S
un classiquefrissonscomique par moments"ash" bruce campbell au topplus
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