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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

C'est quoi la SF ? [suite & fin]

Suite et fin de cet intermède suscité par l’essai des frères Bogdanoff sur la science-fiction, dont vous trouverez la première partie en cliquant ici :

 

La science-fiction est un œil ouvert sur l’avenir. L’autre est dans le présent.

Charles Aznavour

 

Ma foi, c’est aussi poétique que pertinent : comme disait Merlin dans Excalibur : « L’avenir a pris racine dans le présent. »

 

C’est tout l’art d’imaginer l’inimaginable et d’inimaginer l’imaginable.

Guy Béart

 

Joli jeu de mots qui semble pourtant faire de la SF la littérature de l’abstrait, sans fondement dans le réel.

 

La science-fiction est un mélange de réel et d’imaginaire qui suscite, chez le lecteur, le sentiment qu’il aperçoit une réalité plus profonde que celle qui lui est donnée dans son existence quotidienne.

Alfred Elton Van Vogt

 

Cet auteur de l’âge d’or de la SF (avec des ouvrages comme le Monde des Non-A ou A la poursuite des Slans) s’appuyait sur une constatation de sa propre expérience d’auteur : à partir d’un fond de réalité et d’une extrapolation scientifique, il construit un univers dont il tente, à la fin, d’altérer la perception qu’on en a, jouant sur le thème des réalités illusoires sans aller jusqu’à sa déconstruction complète.

 

Jusqu’ici, les romanciers se sont contentés de parodier le monde. Il s’agit maintenant de l’inventer.

Louis Aragon, Blanche ou l’Oubli

 

Un poète qui avoue plus tard ne pas être très sensible à cette littérature, préférant déployer son énergie à tenter de comprendre son époque, déjà fort complexe.

 

C’est en ce moment la seule littérature vivante du monde entier : la science-fiction.

René Barjavel

 

Même si je n’ai jamais vraiment adhéré aux écrits de l’auteur de l’essentiel Ravage et du surestimé la Nuit des temps, j’avoue être assez d’accord avec cette assertion, que j’ai souvent, sous une forme ou une autre, tenté d’asséner à mes profs de français désespérés de me voir renier les grands auteurs classiques au profit de ces écrivains qu’ils ne comprenaient pas.

 

La science-fiction digne de ce nom demeure pour moi la littérature romanesque qui célèbre les capacités sans limite de l’intelligence humaine, qui exalte l’esprit pionnier, qui témoigne de l’optimisme quasi-religieux du savant-poète et qui annonce la conscience cosmique. Elle est l’expression lyrique moderne de l’élan faustien.

Elle est un chant surhumaniste.

Louis Pauwels

 

Ce grand homme, coauteur du Matin des magiciens avec Jacques Bergier, déclame une vision éclairée de cette littérature que de nombreux pseudo-intellectuels devraient redécouvrir avec des yeux aussi jeunes et enjoués.

Après tout, Jean Giraudoux affirmait déjà :

L’humanité est une entreprise surhumaine.

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V
Tu m'avais déjà conseillé le Siège de Briançon et cela fait partie de mes projets de janvier. Merci d'être revenu - en fait, c'est plutôt moi qui suis revenu. A très vite sur ton blog !
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R
Oui, mais curieusement, l'article que j'ai récemment consacré sur mon blog genevois à un roman de Kurt Steiner (Vance, mais aussi les autres, je vous invite à aller le voir) est l'un de ceux qui ont suscité les commentaires les plus abondants, nombreux et spontanés, alors même que les Genevois sont très français et très guindés dans leurs choix littéraires, qu'en tout cas ils n'ont jamais marqué de goût pour la science-fiction - ni d'ailleurs pour le merveilleux en général, depuis que Calvin l'a banni de la culture officielle !Cette vaine comparaison entre les poèmes me rappelle à moi l'interdiction des mystiques anciens de comparer entre eux les saints, opinion que j'ai reprise pour une dame qui pensait rabaisser François de Sales en louant à la place François d'Assise : le nom de baptême le justifiait, apparemment ! C'est dans l'avant-dernier article de mon blog, où je parle, indirectement, du goût pour le merveilleux qu'avait au contraire François de Sales - lorsqu'il était conforme à l'esprit de la religion, bien sûr.Sinon, pour défendre la science-fiction en France, et plus généralement le merveilleux, on peut s'appuyer sur les écrivains qui l'ont utilisé : Hugo, dans sa poésie, en particulier ; mais aussi Gautier, Villiers-de-l'Isle-Adam, Blaise Cendrars, etc. J'ai moi-même proposé de faire élire Gérard Klein (que j'aime beaucoup) à l'Académie française, pour marquer le coup, et je pense qu'il faudrait relayer cette proposition, même si à l'époque où je collaborais au magazine de science-fiction d'Alain Pelosato, cela n'a pas déclenché un enthousiasme clair.Je dois également dire que la littérature régionale, en tout cas en Savoie, en Franche-Comté, en Flandre et en Bretagne est pleine de merveilleux traditionnel, et que Gérard Klein lui-même a bien remarqué que même si la ligne politique n'était généralement pas la même, défendre la science-fiction et la littérature régionale relevait souvent du même combat, sur le plan esthétique. J'ai d'ailleurs réédité un roman savoyard du XIXe siècle qui, dans la lignée de Walter Scott, mêle l'histoire et le merveilleux, Le Siège de Briançon, et je vous en conseille la lecture.Sinon, Aragon était trop attelé au parti communiste pour avoir les idées bien claires, sur le plan esthétique.La meilleure définition ci-dessus est à mon avis celle de Louis Pauwels, qui est bien dans l'esprit de Teilhard de Chardin, lecteur de H. G. Wells et A. Huxley, lui-même. Il est à noter que mon article sur Kurt Steiner renvoie à un blog vaudois consacré à Jacques Bergier, et je vous invite aussi à le lire, il est très bon. Et le blog d'Hassan, sur la Tribune de Genève, évoque l'actualité du fantastique et de la science-fiction : à lire aussi, à mon avis. Pour ceux qui se sentent persécutés en France, qu'ils aillent en Suisse, où il faut avouer qu'on a une assez grande liberté de parole et de goût. Il n'y a que si on critique la Suisse elle-même, qu'on est rabroué rudement.
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V
Oui, tu tapes là où ça fait mal. Ca a peut-être un peu changé, un peu grâce à internet d'ailleurs, mais la France souffre paradoxalement de l'excellence de sa culture.Qu'on glorifie nos glorieux ancêtres littéraires est naturel et bénéfique, mais qu'on juge chaque oeuvre à l'aune de ces aînées indétrônables, c'est nier l'évolution, c'est rejeter le changement. Les Humanités ont fait leur temps. Quant à la classification, elle est souvent en France une émanation cartésienne d'une volonté de cloisonnement : on peut quantifier, donc mesurer ce qui est catégorisé - ce qui revient à quantifier la création artistique. On aboutit à des trucs aussi absurdes que le classement poétique de Pritchard (rappelez-vous cette séquence du Cercle des Poètes disparus où la qualité d'un poème pouvait se mesurer). Or l'humanisme est en partie né en France chez les universitaires qui avaient compris qu'on ne s'élevait qu'à condition de s'appuyer sur les créations précédentes, pour aller plus loin, et non pour ressaser toujours la même chose.Il est tout de même incroyable que de nos jours autant de professeurs aient autant de mal à mettre en avant les récits fantastiques, voire policiers. Déjà, quand j'étais au lycée, la SF se réduisait pour mes enseignants à deux noms : Huxley et Orwell, le reste n'étant pas digne d'être lu, donc enseigné. Merde, pas un seul écrivain mainstream n'a eu autant de récompenses littéraires qu'Asimov ! Et le Seigneur des Anneaux fait depuis longtemps partie des classiques de la littérature (de la littérature TOUT COURT !) chez nos amis d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique ! Le pire c'est qu'on a eu nos grands auteurs, et même notre "école" de SF, mais qui n'a pas pu toucher un public aussi large qu'ailleurs. Dommage, vraiment.
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N
La citation d'Aragon est assez étrange. Ecrire, pour un romancier, c'est toujours réinventer, sinon le monde, du moins "un" monde.La SF a en France de nos jours une position bizarre dans le monde littéraire. Chez les auteurs mondains en quête de respectabilité, elle est souvent méprisée, chez les amateurs, elle est considérée, à tort, comme un genre facile sur lequel il est aisé de faire ses premières armes.D'une manière générale, je n'aime pas bien le classement par "genre". Et encore, il y a aujourd'hui des "sous-genres" qui finissent par être plus drôles que significatifs.Pourquoi diable vouloir toujours tout étiqueter, comme s'il était urgent de montrer que l'on a tout saisi d'une oeuvre au point de pouvoir l'enfermer dans une case générique et parfaitement cloisonnée ? Un roman peut fort bien mélanger polar, fantasy, humour ou épouvante et se retrouver dans tous les rayons (ou, le plus souvent, dans aucun lol).Avec ce fameux classement par genre, on assiste également à une sorte d'apartheid littéraire où les "genres" justement sont priés de faire profil bas (notamment dans les émissions télévisées dites culturelles) devant les ouvrages à "prétention littéraire". Je tiens ce terme d'un critique qui disait récemment, à la radio, être moins sévère avec les auteurs qui n'avaient pas de prétention littéraire. C'est à se taper le cul par terre.Dans le même genre, à quand les profs sans prétention éducative ou les flics sans prétention sécuritaire ?Enfin, bref, pour en revenir aux genres, je recopie honteusement un petit dialogue que j'avais pondu à propos d'une discussion sur Neverwhere de Neil Gaiman :- Alors, t'as terminé ton nouveau roman ?- Ouep.- C'est quoi comme genre ?- De l'Acid Dark Suburban Fantasy. Mais avec une touche Happy Tales.- Ah...j'vois l'genre, ouais.- Heu...pourquoi tu fais cette tête ?- J'aime pas trop.- Mais heu...attends, lis-le, tu verras, c'est pas mal.- Non, c'est bon, c'est le côté Acid qui me rebute. La touche Happy aussi.- Mais on s'en fout de ça ! C'est une super histoire, ma meilleure même !- Si on a inventé les genres, c'est pas pour rien. J'vais pas me taper du Happy Acid, merde quoi...
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